Gaspard-Félix Tournachon, dit Félix Nadar, est né le 5 avril 1820 à Paris. Ecrivain, Journaliste, essayiste, critique d’art, caricaturiste, aéronaute, il reste aussi et surtout, comme l'un des photographes Français majeurs du début du XIX é siècle.
2010, étant l’année du centenaire de sa mort, ajouté à cela la sortie récente d’un ouvrage de grande qualité, intitulé « Nadar QUAND MÊME ! »Par Roger Greaves, c’est l’occasion de revenir sur la vie, d’un artiste génial, qui a marqué son temps, et qui est resté par trop méconnu du grand publique !
Nadar était un homme de gauche, très engagé.
La seule exposition au château de Tours comportant en majorité des œuvres de son fils, vient saluer cet anniversaire.
A l'étranger, on notera que le photographe Bernard Plossu lui rend hommage au travers de deux expositions qui auront lieu à Rome et à Florence.
Lorsque l’on sait que la France peut s’enorgueillir d’avoir les archives, du fond Nadar, on ne peut que s’interroger sur l’impasse faite d’une exposition dans la capitale, qui aurait pu être présentée ensuite en Province. Son père, Victor Tournachon, d’origine Lyonnaise vient s'installer à Paris, en 1817. Il est à la tête d’une imprimerie situé 6 rue de Savoie, dans le quartier latin, appelée imprimerie Tournachon-Molin, du nom de son associé.Sa mère Thérèse Maillet, d’origine Lyonnaise est rentière.
1824, la famille Tournachon réside rue Saint-André-des-Arts. Le petit Félix y débute sa scolarité à l’âge de huit ans. 1831, Victor Tournachon, ruiné, et malade retourne à Lyon avec sa femme et son deuxième fils cadet Adrien, pour liquider ses affaires. Félix reste seul en pension à Paris, boursier de divers d’établissements privés dont il se fait renvoyer pour ses mauvais résultats ou son indiscipline.
1832, Félix est interne à Versailles, puis,il fréquente d’autres écoles, jusqu'en 1836. Il reçoit une éducation bourgeoise, s’intéresse à la littérature, et fréquente la bohème étudiante. Il fait des études irrégulières au collège Bourbon, puis se rend à Lyon. D'abord élève, à l’Ecole secondaire de Médecine de Lyon, avant de faire ses premiers pas dans le journalisme comme critique dramatique, il se fait détacher au service de Pelletan à Bicêtre en qualité d’externe-interne, durant quelques mois. Il ne tarde pas à déserter l'école de médecine, pour collaborer au Journal « Le Fanal du Commerce » et à l'Entr'acte Lyonnais.
1837, son père décède à l’âge de 66 ans, Félix, qui n’à que 17 ans revient s'installer à Paris, avec sa mère, et son frère. Il publie des contes sous divers pseudonymes, et rédige des critiques dramatiques. Avec l’aide de Polydore Millaud, il collabore à « L’audience », un journal judiciaire. Il commence à côtoyer des personnages tels Henri Murger, Gérard de Nerval, Charles Baudelaire et Théodore de Banville. Ses amis, le surnomment Tournadar, car il a pris l’habitude de rajouter à la fin de chaque mot de ses phrases la terminaison « dar», à la façon des Louchebem, (garçons Boucher).Il décide de prendre pour pseudonyme Nadard, avec un d, qu’il supprime ensuite. Pour subsister, il écrit des romans, et dessine des caricatures. Avec l'aide financière d'un ami, qui vient d’hériter, il se lance, dans la création d'une revue prestigieuse, Le livre d'or, un périodique de luxe, dont il devient le rédacteur en chef, à seulement 19 ans. Malheureusement cette entreprise s'interrompt après la parution du neuvième numéro. 1842, à 22 ans, Félix signe des articles dans la Vogue, le Négociateur, l'Audience, puis étudie la peinture. Il rédige également des nouvelles dans le Corsaire, le Commerce, et devient successivement secrétaire de Charles de Lesseps et du député Grandin.
Confronté à des moments difficiles, il connaît la faim, le froid, et se retrouve vagabond, contrebandier, braconnier, sténographe, ou aide sculpteur.Grâce à ses relations, il s'assure la collaboration de personnages aussi renommée que Balzac, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Gérard de Nerval, qui deviennent ensuite ses amis. Nadar travaille à nouveau, pour les gazettes comme caricaturiste. C'est lors d'un stage de dessin au journal satirique Le Corsaire-Satan qu'il découvre le crayon lithographique et abandonne la plume. 1845, il publie « La Robe de Déjanie », son premier roman. À la veille de la révolution de 1848, il obtient la consécration avec son premier dessin à charge, de Grassot, un acteur comique, qui est publié dans le journal satirique Le Charivari.
Le 30 mars 1848, il s'engage avec son frère dans la légion polonaise, pour porter secours à la Pologne. Lors de ce voyage, il est arrêté aux casemates de Magdebourg par des représentants du gouvernement prussien, et internés à Eisleben. Deux mois plus tard, en juin, il est de retour à Paris.
Peut de temps après, il est contacté pour se mettre au service du gouvernement provisoire, et se voit engagé comme agent secret par l'éditeur Jules Hetzel, alors chef du cabinet du ministre des Affaires étrangères. Il rend compte des mouvements des troupes russes à la frontière prussienne.
Il reprend ensuite ses activités de caricaturiste auprès de petits journaux. Août 1850, il se retrouve emprisonné à Clichy pour dettes. 1851, il entreprend un projet des gloires de l’époque, pour lequel, entouré de collaborateurs, il réalise des dessins satiriques.A l’origine plus de 1000 célébrités, issus du monde des arts, de la politique et de la musique sont pressentis, pour illustrer 4 lithographies de 104 cm X 75 cm. La censure impériale lui interdit la publication des trois suivantes. L'ensemble de ce travail, compte finalement plus de deux cents cinquante personnages, parmi lesquels Victor Hugo, Balzac, Dumas, Lamartine, Musset, etc.... L’unique lithographie de ce que l’on nomme « Le Panthéon de Nadar », apparaît à la devanture des librairies, en mars 1854, l’année, ou il se marie avec Ernestine-Constance Lefèvre, une jeune femme issue d'une riche famille protestante.Il emménage avec sa femme au dernier étage d'un immeuble au 113 de la rue Saint-Lazare, où il dispose également d'un atelier d’artiste bénéficiant de la lumière naturelle, avec un laboratoire qui jouxte un jardin. C'est dans ce studio, occupé auparavant par Gustave Le Gray et les frères Bisson qu’il réalise ses portraits photographiques. Il s’inspire de photographes comme Fox Talbot, Hippolyte Bayard, Nicéphore Niepce, ou Gustave Le Gray. Nadar offre à son frère cadet Adrien des leçons de photographie auprès du célèbre photographe Gustave Le Gray, en 1853. Il apporte son soutien à Adrien qui a du mal à lancer son affaire. Les deux frères produisent une série de photographies intitulée" Figures d’expression de Charles Deburau en « Pierrot " et remportent la médaille d’or, à l’exposition universelle de 1855, ce qui s’avère une reconnaissance incontestable. Nadar se brouille avec Adrien, son frère cadet, parce que ce dernier veut utiliser seul le nom de «Nadar». L’atelier désormais rentable, Adrien demande à son frère aîné de partir.Les deux frères se séparent et, dès lors, Adrien gère désormais la destinée du studio, qu’il exploite en signant les images « Nadar Jeune » qu’il abrège un peu plus tard en « Nadar jne » ce qui a pour effet d’ajouter à l’effet de confusion. Nadar, échoue dans une conciliation avec son frère pour qu’il abandonne ce pseudonyme, et il se voit contraint de l’attaquer en justice pour obtenir l’exclusivité du nom. Devant la justice, Félix (Nadar) défend l’idée que la photographie est un art. Le procès, qui débute en mars 1856, s’achève en appel en juin 1859.Nadar obtient gain de cause. Les deux frères se réconcilient, et Félix continue d’aider son frère.
Le 8 février 1856 voit la naissance de son fils unique Paul. Maitrisant rapidement la technique, après l’avoir acquise auprès de Camille d’Arnaud , Nadar produit de nombreux portraits de ses proches, de sa famille et de ses amis artistes, comme Alfred de Vigny, Théophile Gautier, Edouard Manet, Théodore de Banville, Gérard De Nerval, Gustave Doré, Jules Verne, Eugène Delacroix, Gustave Courbet, Camille Corot, Jean-François Millet.C’est une période, ou les personnalités du monde des arts, des lettres mais aussi de la politique, du théâtre et même de l’Église, forment sa clientèle.
En six années, il réalise des portraits des principales figures de l’époque. Charles Baudelaire, Jules Barbey d‘Aurevilly, Paul Chenavard, Alexandre Dumas, Alphonse Daudet, Edmond et Jules Goncourt, Ivan Tourgueniev, George Sand, Jules Michelet, Eugène Labiche, Victor Hugo, Gioacchino Rossini, Hector Berlioz, Franz Liszt, Jacques Offenbach, Sarah Bernhardt, Louis Pasteur. 1857, Nadar parlant de sa pratique du portrait écrit : « ce qui s’apprend beaucoup moins, c’est l’intelligence morale de votre sujet, c’est ce tact rapide qui vous met en communion avec le modèle, vous le fait juger et diriger vers ses habitudes, dans ses idées selon son caractère, et vous permet de donner la ressemblance la plus familière et la plus favorable, la ressemblance intime. C’est le côté psychologique de la photographie, le mot ne me semble pas trop ambitieux ».
Nadar se passionne aussi pour l’aérostation, et devient, dès 1858 le premier à enregistré, des prises de vues aériennes du Petit Bicêtre, un lieu situé dans les environs de Paris, entre Bièvres et Le Petit Clamart, à bord d’un ballon captif d’une hauteur de 8O mètres. Daumier, célèbre dessinateur, le représente dans l’une de ses gravures, devenu célèbre, en train de photographier dans la nacelle de sa montgolfière, avec pour légende : « Nadar, élevant la photographie à la hauteur de l'Art le 25 Mai 1862 ».
1860, la photographie est en pleine mutation. Les adeptes d'une photographie de qualité, et de grand format se voient subitement détrônés par de nouveaux entrepreneurs comme Eugène Disdéri qui, avec le dépôt de son brevet de « portrait-carte », divise le prix de revient d'une photographie par six, en offrant des vues de petit format. A l’origine un portrait effectué par Nadar peut coûter jusqu’à cent francs, ce qui réserve son art aux plus favorisés.Le studio Nadar se tourne alors progressivement, dans une production qui s'éloigne de l’artisanat, et qui emploie jusqu’à 40 employés. 1860, faute de place, Nadar déménage de la rue Saint-Lazare, et s’installe somptueusement au numéro 35 du boulevard des Capucines, dans l’atelier laissé vacant par Gustave Le Gray. Il fait apposer sur le fronton de son immeuble une immense enseigne dessinée, éclairée au gaz. Il édite ses " Figures contemporaines " en petit format.Cette même année, passionné par les nouvelles techniques, il commence à expérimenter l’usage de la lumière artificielle, avec l’usage du magnésium en poudre, technique dont il devient le pionnier, avec un reportage qu’il effectue dans les égouts et les catacombes de Paris en 1861. Le 4 octobre 1863, le premier vol de sa Montgolfière baptisée Le Géant a lieu à Paris avec 13 personnes à son bord. Le ballon perd rapidement de la hauteur et atterrit à Meaux. Quelques semaines plus tard, dans les environs de Hanovre, à Neubourg, Nadar et son épouse sont grièvement blessés, alors qu’ils viennent d’effectuer un deuxième vol, de plus de six cent kilomètres. Lors de l’atterrissage du ballon, la tempête qui sévit traîne la nacelle sur plusieurs kilomètres. Sa femme souffre d’un enfoncement de la cage thoracique, et Nadar se retrouve avec les pieds écrasés. Après d’autres tentatives il est contraint de cesser cette aventure faute d’argent. 1867, il fonde la compagnie d'aérostiers, en vue de construire des ballons militaires au service du gouvernement durant la Commune.
1870, lorsque la guerre survient, toute l’activité économique cesse, et Nadar ferme son atelier pour en ouvrir un autre, en 1872, rue d’Anjou. C’est son fils Paul Nadar, qui en assure la direction. Avril 1874, la première exposition des peintres impressionnistes à lieu dans son ancien studio, qu'il prête, pour l’occasion.
Après son départ de son atelier « rouge », de la couleur de la façade, c’est sa femme qui finance et gère, avec 20 personnes, l'aristocratique studio situé, rue du Faubourg-Saint-honoré.Son fils Paul travaille à ses côtés. 1886, il réalise l'interview du chimiste Eugène Chevreul, pour son centième anniversaire, tandis que son fils Paul prend des clichés qui constituent le premier reportage photographique. 1887, suite à la paralysie dont souffre sa femme, Félix Nadar décide de prendre sa retraite, et s'installe au manoir de l’Ermitage, à Draveil, (Essonne) dans la Forêt de Sénart, où il accueille ses amis dans le besoin, jusqu'en 1894. Son fils Paul, qui a travaillé depuis plusieurs années auprès de son père, devient le propriétaire de l’atelier, et refuse d’aider son père financièrement.Dès lors une mésentente entre le père et le fils s’installe, Nadar désapprouve en plus la relation que son fils entretien, avec Élisabeth Degrandi, une actrice mariée. Juin1895, à 77 ans, de nouveau ruiné, et souffrant d’asthme, il laisse à son fils la gestion de ses affaires à Paris, et ouvre son studio photographique, appelé « Nadar de Paris », situé sur la Canebière, au 21 rue de Noailles.Il se lie d'amitié avec l'écrivain Frédéric Mistral. 1900, l'Exposition Universelle de Paris, lui rend hommage avec une rétrospective de son œuvre, organisée par son fils Paul. Il publie ses mémoires dans un livre intitulé « Quand j’étais photographe ».
1904, Nadar revient à Paris.1909, sa femme décède. Très affecté, il décède le 21 mars 1910, des suites d’une broncho-pneumonie, quelques jours avant ses 90 ans. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.
Les archives du fond Nadar détenus par la BNF, comprennent quelques 450 000 plaques constituées des clichés de Félix (Nadar) et de son fils Paul, ainsi que de 50 000 épreuves.
Pour aller plus loin, je vous recommande la lecture de "NADAR QUAND MÊME ! " De Roger Greaves publié aux éditions d'en Face.
L'adresse :LES EDITIONS D'EN FACE
JACQUES REICH
49 Rue de Verneuil 75007 Paris.
L'ouvrage est également disponible sur commande en ligne, sur le site Web des éditions d'En Face.
http://www.leseditionsdenface.com/
Pour en savoir plus sur l'auteur de cette rubrique :
Chronique par Roland Quilici
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