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Martine Franck

Biographie et Interview Par Roland Quilici

 

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Martine Franck est née à Anvers en Belgique. Elle a grandi aux Etats-Unis, a fait ses études à Long Island, en Arizona puis en Grande Bretagne. Elle commence des études d'histoire de l’art à l’Université de Madrid (1956-1957) puis à l’Ecole du Louvre à Paris de 1958 à 1962. Elle soutient sa thèse sur l’influence du cubisme sur la sculpture moderne, avant de se consacrer à la photographie. Elle fait la connaissance d’Ariane Mnouchkine qui s’affirme  comme une figure incontournable du théâtre français. C’est au cours d’un voyage initiatique en Extrême-Orient qu’elles partagent, que Martine Franck commence à photographier en Chine en 1963, puis au Japon et en Inde.[ ]Elle publie ses récits de voyage dans Eastern Horizons, à Hong Kong.

1964, de retour en France, c’est dans le laboratoire de Time Life à Paris, où elle fait un stage d’une année, qu’elle « fait véritablement connaissance avec la photographie » comme assistante d’Eliot Elisofon et de Gjon Mili. Ces deux admirables photographes l’encouragent à réaliser ses premiers reportages. Son amitié avec Ariane Mnouchkine la conduit à devenir photographe pour le Théâtre du Soleil en 1965. Martine Franck s’intéresse au  théâtre avec des images en couleur de représentations et de répétitions de pièces restées mémorables. Cette même année, elle collabore pour Life, Fortune, Sport Illustrated, the New York Times, et Vogue. Elle fait la connaissance d’Henri Cartier-Bresson en 1966, puis l’épouse en 1970, et devient ainsi la seconde femme du photographe. Elle rejoint l’agence VU, créée par Pierre de Fenoyl, agence photographique dont l'activité ne durera qu’un an. Elle participe alors à la fondation de l’agence Viva aux côtés d’Hervé Gloaguen, Guy Le Querrec, François Hers, Jean Lattes, et Richard Kalvar.

Martine Franck a signé de nombreux portraits d’artistes et d’écrivains. Pierre Alechinsky, Balthus, Pierre Boulez, Marc Chagall, Michel Foucault, Michel Leiris, Sam Szafran, Paul Strand, en sont quelques uns. Elle réalise également des portraits de femmes pourphotographie la rubrique "Les Contemporaines" du magazine Vogue.

1980, Martine Franck devient membre associé de Magnum Photo, avant d’être élue membre à part entière en 1983. Elle s’intéresse surtout aux sujets à caractère social. « Mon principal désir, est de présenter des images qui incitent à la réflexion ». De 1985 à 2000, elle collabore avec l’association des petits frères des Pauvres qui œuvre pour les personnes âgées et les exclus. Elle publie Le Temps de Vieillir, dans lequel elle écrit : «Tout ne se photographie pas .Il y a des moments où la souffrance, la déchéance humaine vous étreignent et vous arrêtent. D’autres situations, intéressantes sociologiquement, ne disent rien visuellement. La photographie montre plus qu’elle ne démontre, elle n’explique pas le pourquoi des choses ».

En 1993, Martine Franck se rend sur l'île de Tory, lieu isolé au nord ouest de l'Irlande. Elle photographie le quotidien d'une communauté gaélique traditionnelle de 130 habitants qui vivent en marge du continent. Tory, Ile aux Confins de l'Europe est publié en 1998.

1995, elle réalise avec Robert Delpire, Ariane et compagnie : Le théâtre du Soleil, un film documentaire de 26 mm.

photographie1996, elle se rend en Asie, où elle photographie les Tulkus, ces enfants moines Tibétains qui vivent à Bodnath au Népal et dans le sud de l’Inde.  Le livre paraît en 2000. Cette même année, elle participe à la réalisation d’un film documentaire intitulé Retour en Irlande avec Martine Franck réalisé par Fabienne Strouvé-Beckers. De ses nombreux voyages, la photographe a ramené des images uniques, dont certaines sont devenues des icônes.

Entre 2003 et 2004, Martine Franck suit Robert Wilson scénographe à la Comédie Française et photographie sa mise en scène des Fables de la Fontaine. Ce travail fait l’objet d’un livre intitulé Fables publié aux éditions Actes Sud. La sortie de deux ouvrages en 2007, l'un chez Phaïdon, avec un texte de Louise Baring, l'autre dans la collection Photo Poche publié par Actes Sud, introduction par Annick Cojean, est une occasion de revenir sur le parcours de cette personnalité du monde de l'image.

Interview de Martine Franck (01/09/2007)

Propos recueillis par Roland Quilici 

1) Vous êtes née en Belgique, mais avez fait vos études primaires aux USA. Dans quelles circonstances êtes vous partie vivre outre-Atlantique ?

Nous sommes partis aux Etats-Unis à cause de la guerre ; là j'ai commencé mes études primaires.

2) Vous avez fait des études d'histoire de l'art à Madrid, puis à Paris.

Oui j'ai fait des études d'histoire de l'art à Madrid entre autres études et j’ai surtout découvert le Musée du Prado.

3) Comment la photographie est- elle apparue dans votre existence ?

La photographie est apparue par hasard dans ma vie. J'ai obtenu un visa pour la Chine et mon cousin m'a prêté son Leica en me disant que j'avais beaucoup de chance et qu'il fallait que je rapporte des images.

4) Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Ariane Mnouchkine ?

J'ai rencontré Ariane Mnouchkine en Suisse où elle passait ses vacances chez Henri Bauchau, qui était mon directeur d'école.

5) Comment avez-vous décidé de partir en Extrême Orient avec elle ?

photographieElle n'a pas réussi à avoir un visa pour la Chine car c'était très difficile à l'époque et nous nous sommes retrouvées au Japon pour découvrir le théâtre Kabuki, No, et en Inde le Kathakali. Nous avons gardé un journal de ce voyage. C'est elle qui m'a appris à manier l'appareil de photo. Je me souviens que nous avons beaucoup ri ensemble. Après Le Japon, nous avons fait tout un périple, Hong Kong, le Cambodge, l'Inde, le Népal, le Pakistan, l’Afghanistan, l'Iran, traversé la Turquie, la Grèce et Rome.

6) Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

De retour en France, ayant attrapé la passion de la photographie, je suis rentrée comme stagiaire à Time Life  à Paris où j'ai été assistante de Eliot Elisofon qui adorait faire la cuisine et qui avait une passion pour l'art d'Afrique. Gjon Mili m'a demandé de l'aider avec un reportage sur les vestiges romains en Provence, je le pilotais en conduisant. Il me disait toujours " Martine il faut que tu saches m'imiter parfaitement après tu pourras développer ton propre style". J'ai beaucoup appris avec lui sur l'éclairage et les flashs.

7) Lorsque vous avez débuté, les femmes qui pratiquaient le métier de photographe se comptaient sur les doigts d'une main, quel regard portez-vous à ce propos ?

Non, il y avait déjà quelques photographes femmes comme, entre autres, Sarah Moon, Sabine Weiss, Janine Niepce, Cathy Leroy mais c'est vrai pas autant qu'aujourd'hui.

8) Vous utilisez un Leica M pour faire des images en noir et blanc, mais vous avez également fait des images en couleurs.

Oui j'utilise toujours les Leica M pour mes images en noir et blanc. Par contre pour le théâtre, j'utilise maintenant un Canon numérique car il y a tellement de déchets et le numérique est magnifique dans les très basses lumières.

9) Quelques mots sur  la création de l'agence Vu ?

C'est Pierre de Fenoyl qui m'a demandé de faire partie de l'agence VU. Je venais de me marier avec Henri et je pensais me concentrer sur le cinéma mais finalement je suis revenue à la photographie un peu grâce à Vu.

10) Quel rôle avez-vous eu dans la création de l'agence VIVA ?

J'étais un des fondateurs de l’Agence Viva, j'ai trouvé le nom « Viva ». J’y suis restée 7 ans et ensuite je l'ai quittée car je suis rentrée effectivement à Magnum en 1980 comme associée mais j'ai dû me représenter deux fois avant d'être acceptée comme membre.

11) J'ai lu que vous étiez très timide lorsque vous avez débuté la photographie. Comment avez vous surmonté cette peur pour aller à la rencontre des autres ?

J'essaie toujours de photographier les gens que j'aime ou que j'admire, or j'aime ces artistes que vous avez cités. Je ne suis jamais timide quand je photographie car j'ai une fonction et une raison d'être dans un lieu à un moment précis.

12) En quoi la photo de paysages a t’elle de l'importance dans votre photographie ?

J'ai toujours aimé les paysages surtout en noir et blanc.

13) Comment  votre choix de faire Le temps de vieillir s’est-t’il fait ?

Je cherchais un thème "universel" et je pensais que la vieillesse nous  concernait tous, mais je me suis vite rendue compte que les gens n'aiment pas beaucoup les photos de personnes âgées. J’ai eu beaucoup de mal à trouver un éditeur.

A la suite de la parution du livre Le temps de vieillir, j'ai été contactée par Michel Christolhomme qui était responsable entre autre de la "communication" chez les petits frères des Pauvres et il m'a demandé de photographier leurs actions.

14) Comment est né ce formidable projet de la Fondation Cartier-Bresson que vous avez initié avec votre fille et votre mari ?

Je ne voulais pas me retrouver toute seule à gérer l'œuvre d'Henri Cartier-Bresson. Nous avons décidé avec notre fille Mélanie de créer une fondation qui prendrait soin de son héritage artistique mais en même temps créer un lieu qui serait ouvert pour d'autres photographes. C'est Agnès Sire qui est directrice de la Fondation HCB et qui propose les expositions. Nous en discutons ensemble mais ce sont ses choix que je respecte et je n'interviens pas.

15) Votre voyage au Népal était-il une recherche spirituelle ?

Non, au départ ce n'était pas une quête spirituelle et je ne crois pas qu'elle influence ma façon de photographier mais le bouddhisme m'a appris énormément sur l'acceptation de la mort, m'a appris à essayer d'être plus patiente et à ne pas trop m'attacher aux choses.

16) La religion bouddhiste  a-t-elle une influence dans votre façon de  photographier ?

Je me suis rendue au Népal pour être avec Marilyn Silverstone qui autrefois était photographe à Magnum puis est devenue nonne bouddhiste. Elle m'a beaucoup aidée dans mon travail et dans ma compréhension du bouddhisme tibétain.

17) Comment est né votre désir d'aller sur l'île Tory, d'aller y faire des images, et d'y tourner un documentaire ?

Je suis allé à Tory Island sur la demande des petits frères des Pauvres qui avaient passé commande à plusieurs photographes pour travailler sur le thème de la pauvreté et l'exclusion à travers l'Europe. J'ai choisi l'Irlande et j'ai commencé à photographier la banlieue de Dublin. Ensuite j'ai voulu photographier en dehors des villes et un ami peintre Derek Hill m’a conseillée d'aller à Tory Island où il peignait chaque été. Il m'a présentée à ses amis ce qui était d'une aide précieuse. Plus tard, Fabienne Strouvé m'a demandée de l'accompagner à Tory et j’y suis retournée avec elle.

18) Est-il exact que vous ayez rencontré Henri Cartier Bresson lors d’un reportage pour le New York Times ?

Non j'ai rencontré Henri par l’intermédiaire de Gjon Mili.

19) Qu’est ce que la pratique de la photographie vous a apporté ?

Une ouverture à la vie et aux gens, une curiosité insatiable, une compassion.

20) Qu’est ce que Magnum vous a apporté personnellement dans votre carrière de photographe ?

Magnum m’a apporté une convivialité entre photographes, une émulation, une curiosité de voir ce que font mes collègues, une organisation de mes archives, une facilité d’être à la pointe des changements de technique – une stimulation, une certaine fierté de faire partie d’un rassemblement de photographes qui, dans l’ensemble, défendent les mêmes priorités.

Illustrations de l'article :

Photo 1 : Le livre D'un jour, l'autre (Relié) de Martine Franck - Editions du Seuil
Photo 2 : Le livre One Day To The Next (Aperture Monograph) de Martine Franck
Photo 3 : Le livre Martine Franck (Relié) Texte de Louise Baring - Editions Phaidon
Photo 4 : Le livre Martine Franck Texte de Annick Cojean - Photopoche N°11

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Chronique par Roland Quilici
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