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Weegee, the great

Par Roland Quilici 

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Il y a quelques temps, une magnifique exposition sur Weegee se tenait au musée Maillol à Paris.Si on regrette que les institutions n'aient jamais montré ce photographe,on salue l'initiative d' Olivier et Bertrand Lorquin de nous avoir permis de découvrir ce photographe, grâce à la collection du berlinois Henrik Berinson.

Je profite de l'occasion pour inviter ceux qui ne connaissent pas la fondation Dina Vierny à s'y rendre.La collection permanente du musèe recelle des trèsors,avec des sculptures, et des dessins d'Aristide Maillol, mais aussi des peintures sublimes de grands noms, tel Poliakov. Le site Web: www.museemaillol.com

Usher Fellig (Weegee) nait  le 12 juin 1899 à Zlothev dans une petite ville autrichienne située en périphérie de Lemberg. Fils cadet d’une famille juive de sept enfants. Son père, Bernard Fellig émigre aux USA en 1906, suite à la faillite de son activité commerciale avec l’armée autrichienne, et de l’antisémitisme croissant. Il s’établit dans le quartier populaire du Lower East Side, à New York avec le souhait de faire venir sa famille, ce qu’il réussit à l’été 1910. C’est ainsi que le petit Usher Fellig, âgé de 10 ans, ses deux frères, sa sœur et sa mère Rachel débarquent à Ellis Island. Là un officier de l’état civil transforme son prénom en Arthur. Ne parlant pas un mot d’anglais, (comme sa famille et ses voisins), il doit s’adapter et apprendre « sur le tas »,dans un contexte de grande pauvreté. Il poursuit néanmoins ses études, jusqu’en seconde de façon studieuse, et se passionne pour la musique. Avec ses économies, il parvient à acheter un violon d’occasion et apprend à en jouer. La naissance de trois nouveaux enfants, sa relation difficile avec son père qui ne supporte pas qu’il  pratique le violon  au lieu de se consacrer à la religion et à un « vrai » travail, accélère son départ de la maison.

 1913, il quitte l’école pour aider ses parents à subvenir aux besoins financiers de la famille, il effectue alors de nombreux petits boulots, comme la vente de bonbons aux ouvriers des usines. L’essentiel pour lui est de gagner les deux dollars par semaine qui lui permettent de subsister. Il rencontre un photographe de rue qui prend des images d’enfants sur un poney, il  lui propose alors d’être  son assistant. Il fait le développement, et la livraison des ferrotypes ( tôle de vernie noir recouverte de collodion qui donne une image après  transformation des sels ferriques en sels ferreux par rayonnement), soigne l’animal dont il partage l’écurie pour dormir. Il quitte  l’homme qui lui a fait découvrir la photographie, s’achète un appareil  5 X 7 inches (12,5 cm x 17,5 cm) d’occasion et  un poney qu’il surnomme « Hypo » (diminutif d’hyposulfite de soude / thiosulfate de sodium, bain chimique utilisé comme fixateur en photographie).

Le  week-end il  réalise des portraits d’enfants de fils d’émigrés italiens ou polonais dans leurs plus beaux habits. Il demande 25 cents la photo et 1 dollar les trois. L’entretien de l’animal à raison de ses bénéfices, ce qui l’oblige à interrompre cette entreprise.

Il connaît alors une période difficile pendant laquelle il est tour à tour garçon de restaurant et plongeur. Il arpente les rues de New York, de jour comme de nuit, se réfugie l’hiver à Penn Station, la gare de Pennsylvania Road, et les bancs de Bryant Park (42ième rue entre la 5ième et la 6ième avenue) lui font office de lit en été.

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En 1917, il trouve un emploi de balayeur chez Ducket & Adler. Il est promu assistant grâce à sa débrouillardise. Il apprend à charger les chassis des chambres photographiques de grand format, prépare le magnésium en poudre qui sert à produire l’éclair des flashs. Après un différent avec son employeur, jugeant que celui-ci l’exploite, il  est congédié et se retrouve de nouveau sans travail.

1921 :« Mon violon devint un élément de ma vie et de mes rêves presque aussi important que la photographie ».

Il remplace un musicien dans un cinéma, jouant la musique d’accompagnement des films muets, ce qui lui procure revenu et plaisir. La chance lui sourit, lorsqu’il trouve un travail à mi-temps comme assistant dans l’agence « Wide World Photos » du New York Times. Il s’occupe du séchage des épreuves photographiques avant leur glaçage. C’est l’utilisation d’une raclette en caoutchouc appelée en anglais« squeegee », qui lui vaut d’être affublé du surnom de Weegee. L’autre raison est qu’il se rase  rarement, qu’il est peu soigné de sa personne, et qu’il ressemble à l’une des figures du Oui-ja, (jeu qui consiste à prédire l’avenir).

En1924 il entre chez Acme Newspictures (qui deviendra la célèbre agence United Press International–UPI), où il devient un tireur efficace, réussissant à produire plus d’un millier d’épreuves par jour.

 Il apprend aussi les ficelles du métier de photoreporter, réglant le diaphragme de son SpeedGraphic à la valeur de f.16 pour obtenir une bonne profondeur de champ, avec une vitesse d’obturation de 1/200ème de seconde, pour une distance de douze mètre. L’usage systématique du flash lui permet de figer l’action, et de surprendre les gens qu’il photographie de jour comme de nuit.

En 1934 Il loue une petite chambre proche du quartier général de la police de Manhattan, et grâce à une radio à ondes courtes traque les informations que diffuse la police à l’intention de ses agents. En1935, las de voir que ces remplacements ne lui permettent pas de signer les photos qu’il prend, il décide de devenir indépendant. Insomniaque, il choisit la nuit, parce que la concurrence y est moins féroce que le jour. Il se fait rapidement connaître comme celui qui est là, avant tout le monde pour enregistrer les photographies de meurtres, de suicides ou d’incendies qu’il s’empresse de vendre au petit jour à la presse. L’Herald Tribune, le Daily News, le Daily Mirror, le New York Post, The Sun, World Telegram et le New York Journal-American font leurs choux gras de ses clichés. « Mon appareil photo était toute ma vie, mon amour, mon unique sésame. »

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En 1938, avec la connivence d’un capitaine de police, il est le premier photographe autorisé à installer une radio captant la fréquence de la police et des pompiers. Au volant de sa Chevrolet Coupe, il roule à tombeau ouvert pour aller prendre ses clichés. Il n’hésite pas à se mettre en scène, à transformer la scène d’un crime pour que l’image paraisse plus théâtrale. Ayant connu la misère, il travaille comme un forcené, allant jusqu'à couvrir six événements par nuit, ce qui lui permet de gagner plus de cent dollars la semaine, autant dire une somme conséquente durant ces années. Habitué des faits divers, Weegee porte cependant un regard plein de compassion et de tendresse à l’égard des enfants, des pauvres ou des minorités victimes du racisme ambiant. Il décrit l’envers du décor de New York, en montrant la diversité des gens qui composent la ville mais aussi les difficultés de la vie pour les nouveaux arrivants. Il fréquente Sammy’s, un bar dont il devient un habitué, et Harlem.

En juin 1940, il obtient carte blanche de la part du magazine PM, pour photographier des sujets moins tragiques, ce à quoi il va s’employer pendant quatre ans et demi. Sa célèbre photo de la foule massée à Coney Island en est une belle illustration. A présent, au dos de ses photographies, il imprime son tampon « Photo by Weegee the Famous ».

« Murder is my Business » est le titre de sa première exposition personnelle en 1941 à Photo League de New York, une organisation qui se consacre à la promotion de la photographie sociale, et qui compte de nombreux photographes maintenant célèbres notamment : Berenice Abbot, Lewis Hine, Aaron Siskind, Louis Stettner, Lisette Model, pour n’en citer que quelques uns. Il y fera d’ailleurs des conférences. 1943, Beaumont et Nancy Newhall, les conservateurs du Muséum of Modern Art de New York,  lui achètent cinq photographies qui figurent dans l’exposition « Action Photography ».

En juin 1945, il publie Naked City  un livre au format 25 X 16 cm, avec 229 photos, qui devient un succès. Voici la lettre qu'Il adresse alors au rédacteur en chef du magazine Popular Photography :

 
Dear Mr. Whiting

Editor Popular Photography NY 13 Sep 1946
As I am having my teeth fixed and a new set of STORE TEETH ordered from my favorite mail order house…You might be interested that I have changed my act once more…I started off as a Free Lance PRESS PHOTORAPHER very lucky to get 5 bucks a shot…Then the magazines …LIFE 25 bucks a page…Then FORTUNE  $100.00 a page…then VOGUE $ 200.OO A fashion photo…Now I am doing the photos for the SCRIPPS HOWARD newspapers full page ads in papers and magazines all over the country…$400.00 yes I said four hundreds bucks for a nights work…So I’ve stopped taking any other kind of STILLS pictures except for this one account one nights work a week is enough…In my spare time I am now doing a movie 16 MM. This will give me a bigger audience and a chance to express myself. I expect to have it finished in about a year… It will be a film of a BIG CITY of a mood ,black and white with color, with music, Sound + Silence, what do you think Am I on the right track?

Weegee

photographie

Il vend les droits du titre Naked City à Mark Heillinger. Jules Dassin le porte à l’écran. Le film produit par Universal Pictures, sort en 1948. Weegee est embauché comme photographe de plateau et conseiller technique à Hollywood. Il joue de petits rôles avant de réaliser Weegee’s New-York, un court métrage en 16 mm. Il collabore également à l’un des chefs d’œuvre du réalisateur Stanley Kubrick sur Docteur Folamour (Dr. Srangelove), en 1958.

Weegee s’invente un double, pour montrer qu’il n’est pas seulement le voyeur, qui prend des photos infrarouge dans les cinémas. Il orchestre savamment l’histoire. Il est avant tout un photojournaliste, et certaines de ces images en atteste. La donation à l’International Center Photography faite par Wilma Wilcox, sa dernière compagne et les expositions qui en découlent consacrent sa carrière et son accession au panthéon des photographes américains modernes.

Ses photographies vont inspirer de nombreux artistes du Pop Art : Claes Oldenburg, Robert Rauschenberg, ou Andy Warhol qui utilise une de ses photos d'une voiture accidentée pour sa série Orange Disaster.

De nombreux photographes reprendront ses sujets de prédilection. C’est Diane Arbus qui s’occupera de ses archives après sa mort. Marié en 1947 à Margaret Atwood, dont il divorce en 1952, il finit sa vie auprès de Wilma Wilcox. Il meurt à New York le 26 décembre 1968 à soixante neuf ans des suites d’une tumeur au cerveau.

Illustrations de l'article :

Photo 1 : Affiche de l'exposition au musée Maillol
Photo 2 : Weegee's New York: Photographs, 1935-1960 by John Coplans (Introduction), Weegee (Photographer), Arthur 'Weegee' Fellig (Principal). Editions : Schirmer Art Books - ISBN-13: 978-3888148743
Photo 3 : Naked City by Weegee (Author), Arthur 'Weegee' Fellig (Photographer). Editions : Da Capo - ISBN-13: 978-0306812040
Photo 4 : Weegee's People by Weegee (Photographer), Arthur 'Weegee' Fellig (Principal). Editions : Da Capo Press - ISBN-13: 978-0306802423

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Ressources Web

Centre International de la Photographie
http://museum.icp.org/museum/collections/special/weegee/

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Chronique par Roland Quilici
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